Je n’avais pas mis mon site à jour ces derniers temps, ni écrit, ni enregistré des épisodes de podcast, ou publié des vidéos. J’ai été occupé à la préparation et à l’enseignement de cours avec ISCOM pour la première fois, et j’ai un peu mis tout le reste de côté ces derniers mois. J’avais probablement besoin d’un peu de temps, ce qui parait plutôt normal. Le deuil prend du temps, après tout.
Comme le titre l’indique, mon père, Klaas van der Horst, est mort le 8 septembre – seulement quelques semaines après le décès de ma tante Arlette. Ils avaient des conditions de santé différentes, mais pour faire court, ils ont tous les deux été victimes de cancers foudroyants qui n’ont été diagnostiqués qu’après les confinements dû à la pandémie de COVID-19 au printemps 2020.
Certains membres et amis de la famille n’ont pas pu se rendre aux obsèques en personne, et 2020 étant si étrange, j’ai organisé une visio conférence internationale pour la cérémonie funéraire qui a eu lieu le lundi 14 septembre 2020, et du coup je l’ai enregistrée en vidéo aussi.
La qualité de l’image et du son sont de pauvre qualité, mais si vous voulez la voir, vous pouvez demander à ce qu’elle soit partagée avec vous de manière privée en cliquant sur ce lien. Au delà de ça, ma mère, et la famille souhaitions tout de même partager le contenu pour celles et ceux que n’ont pas pu assister aux obsèques, et simplement pour partager les mots qui ont été dit en l’honneur de mon père.
Cérémonie funéraire de Klaas van der Horst
(On a joué cette chanson folklorique hollandaise tandis que les gens entraient; Ik Hou van Holland – J’aime la Hollande)
Willem, son fils (J’ai officié en tant que maître de cérémonie, et j’ai parlé en premier)
Bonjour, et merci à tous et toutes de nous avoir rejoint ici aujourd’hui – et 2020 oblige, aussi par visio-conference; pour célébrer la vie de Klaas van der Horst avec sa femme, Azucena, ses enfants, Björn en direct du Sri Lanka, Willem ici, Morgan, et Saskia; ses petites-filles Anahí, Mei, et ses neveux Iwan et Mark Nilsen, en direct des Pays-Bas.
And welcome to all the English speakers attending via the video conference, and thank you for joining us in celebrating Klaas van der Horst’s life. Though we will conduct most of the ceremony in French, emotional language doesn’t need translation – and there will be a few bits in English too.
Mon père était un homme pragmatique qui appréciait la ponctualité, l’exactitude, ainsi que le bon sens et les jeux de mots et de langage.
Je n’étais pas là avec lui en personne, mais je pense qu’il aurait apprécié que le moment de sa mort, mardi 8 septembre 2020 à 15h40, coïncide précisément avec le plus moment où son coeur s’est a de battre.
74 ans, 4 mois, et 4 jours plus tôt, le même coeur, un peu plus jeune, avait tout juste commencé à battre, le 10 mai 1946, à Rotterdam, aux Pays-Bas.
Ca a été une vie vraiment pleine, et pleinement vécue, jusqu’au bout.
A travers de quelques mots, histoires, et chansons, on va brosser un portrait de Klaas en sensations et en souvenirs.
Mon père était un homme de peu de mots.
Les mots comptaient beaucoup pour lui, et du coup je crois qu’il les utilisaient avec parcimonie.
Il avait un grand coeur et une présence énorme – des qualités curieusement combinées avec un caractère râleur, grognon, voire même franchement pénible.
Le terme technique que son pote Gene à d’abord imaginé pour le décrire, en anglais, c’est Asshole – International Asshole, un Trou du Cul International, en français.
Pour preuve, il terrorisait la plupart de nos amis quand on était gamins.
Je me souviens de la plus grande fête que j’ai organisé à la maison quand j’étais ado, un succès, plus d’une centaine de personnes à la maison, en région parisienne où on a grandi, à Neauphle-le-Château.
Je m’étais organisé pour que mes parents aillent dormir chez des amis.
Sauf que mon père a changé d’avis, et à débarqué alors que la fête battait son plein, vers 3 ou 4 heures du matin, et a déclaré qu’elle était finie.
En gros, sa présence énorme + râleur, en gueulant a terrorisé et fait fuir tous mes amis.
Et il m’a dit qu’il fallait nettoyer.
Il s’est installé dans un fauteuil, et m’a regardé nettoyer, passer, et repasser la serpillère (en pointant les endroits pas encore impeccables) tout seul (vu qu’il avait fait fuir mes potes) jusqu’à l’aube.
Autant dire que je ne pensais pas vraiment à son grand coeur à ce moment là.
Mais j’en ai fait l’expérience à plein d’autres moments. Il aimait sa femme et ses enfants, beaucoup, et simplement.
Il était heureux avec nous et n’avait pas besoin de grand chose d’autre.
J’ai perdu mon plus grand fan. Il écoutait tous les épisodes de mon podcast et regardait ou lisait toutes les vidéos, images, et articles que je publiais sur mon site ou sur Facebook.
C’était un voyageur, comme moi. Et il ne voulait surtout pas qu’on s’inquiète de lui.
On a choisi une de ses chansons préférées de John Denver pour son dernier départ.
Mark & Iwan, ses neveux (par téléphone et en direct de Rotterdam, ils ont parlé en anglais, traduit en français ici)
Klaas,
On ne peut pas dire que ta vie était faite de la même routine au jour le jour.
Tu étais quelqu’un qui menait sa barque et suivait son propre chemin.
Je ne sais pas exactement, mais tu es allé de Rotterdam, à la Suisse, à Londres, New York, et de New York juste en dehors de Paris, à Neauphle-le-Château.
Et quand on était enfants, on allait le voir en Angleterre, aux Etats-Unis, et en France.
Pour nous c’était toujours intéressant, et on a grandi avec le souvenir des belles conversations qu’on a eu avec notre oncle. Il n’avait jamais peur de dire la vérité, et ce qu’il pensait de la vie.
On a eu bien des fous rires autour de verres de bon vin pendant ces conversations que nous n’oublieront jamais, merci pour tout ça.
La mort de notre oncle Klaas était soudaine et inattendue. Nous espérons qu’il n’a pas trop souffert, et nous souhaitons à notre tante Azu, Björn, Willem, Morgan, Saskia, et leurs enfants, beaucoup de force pour traverser cette perte ensemble.
Et maintenant, entre toi et moi Klaas, un dernier mot en Hollandais:
Het ga je goed daar schele en ik hoop dat je je zus tegenkomt en jullie samen kunnen lachen.
Alba, sa belle-soeur
A la recherche d un terme qui qualifierait au plus près ce qu’ était mon beau frère, pour moi tout au moins, c est celui d excès que je retiendrai…
Excès de rires, de bonne humeur et de bière lors de notre jeunesse et mes vacances à Rotterdam, excès dans le ton de voix lors de nos discussions animées , excès de silence ces dernières années lors de pertes particulièrement douloureuses. Et comble du silence, ta façon de taire ta souffrance sans doute pour protéger tes proches. Je t ai souvent entendu râler Klaas, jamais te plaindre!
Un autre versant de toi que je retiens est ton côté …comment dire? Aventurier? Nomade?
Rotterdam, Perpignan, Cambrils où je t ai connu lors de ta rencontre avec Azu, Toulouse, Rotterdam de nouveau -marié cette fois- , Lausanne, Londres, NY, Neauphle le Château, Paris, Lausanne et Perpignan finalement…
Des aventures professionnelles, une belle aventure familiale, tu as construit ta vie dans l engagement et la prise de risques, en trouvant toujours le ressort nécessaire pour rebondir lors des moments difficiles.
Tu as été à la tête d une belle famille et tu as su transmettre à tes enfants ton enthousiasme , ton humour et ton sens du travail.
Ces dernières années, la présence de tes petits enfants adoucissait ta vie quand ta santé te lâchait..
Ne rien laisser paraître d une possible défaillance et ne jamais rien demander pourraient être des impératifs que tu t étais fixés… Je n en saurai jamais rien…
Merci Klaas pour la transmission familiale.
Repose en paix.
Azucena (Azu), sa femme (en français, et une portion en anglais, non traduit)
J’ai demandé à parler après ma soeur, parce sans ma soeur, je n’aurais jamais rencontré Klaas. J’étais timide, timorée, et devant lui je suis devenue audacieuse.
Tu nous a invité, toute l’équipe de jeunes qu’on était, à monter sur un pédalo. Personne n’a accepté, sauf moi. Coon et toi, vous parliez une langue que je ne connaissais pas, mais je n’ai jamais eu peur de partir avec vous. J’ai su tout de suite que je te connaissais.
Tu m’a montré tout de ton enfance. Rotterdam, le hangar où mûrissaient les bananes, et puis un jour tu as décidé de changer de métier. Tous les métiers que tu as fait étaient toujours autour du marché: le marché gare à Rotterdam, le marché monétaire à Wall Street, et le marché où tu vendais tes huiles d’olive et d’Argan sur le marché de Morges. Les seules différences étaient le nombre de zéros derrière les chiffres.
Vous mûrissiez 50 à 60 tonnes de bananes, j’ai oublié pendant combien de temps. J’ai appris à connaître ta mère, ta soeur, pas trop la famille de ton père, on ne les a pas trop connus, enfin une tante, Annie.
Et puis on a une cette période, cette période à Paris, où tu m’a suivie chez Landmark, et ce que je n’ai jamais cru que tu ferais, tu t’es engagé chez le Hunger Project (Le Projet Faim), et tu l’a créée, notamment avec Brigitte, et je vais lire ce que Brigitte a écrit sur Facebook.
Klaas, tu seras toujours dans mon coeur, avec ta grande âme, si pleine d’amour et de générosité envers tous, avec ton humour, et tes engagements.
Merci à tous ces bons moments ensemble, ces exploits où nous avons créées d’infinies possibilités.
Je t’ai vu à cette époque partir avec ton costume, cette équipe avec toi, sillonner les rue de Paris, en demandant à des gens de signer un papier, une carte. Il n’y avait rien à donner, il fallait juste s’engager. S’engager ça a été notre leitmotiv à tous les deux.
L’engagement était de dire qu’avant l’an 2000, la faim et la malnutrition auront disparu sur cette planète. Tu es hollandais, et les projets doivent être aboutis.
Pour moi, je dois encore en rêver, et toi tu n’as pas accepté qu’en l’an 2000, ce que tu as découvert, c’est qu’il y avait encore beaucoup plus de gens qui avaient faim. On a eu beau t’expliquer que c’était tout simplement qu’on ne savait pas. Tu as jeté le bébé avec l’eau du bain. Tu me disais toujours: “Mais c’était il y a longtemps.”
Et maintenant ce que je veux célébrer, c’est ta générosité, le fait que tu aimais la fête. Des fêtes, on en a fait tout le temps.
I don’t know if you guys are looking, but you guys in Wall Street, you’re the ones who had the funnest times together. I don’t think I have anything else to say, I don’t know who is on the line, and from those days.
And I want to acknowledge our son Björn, who is far away in Sri Lanka.
We continue having paperwork, paper problems, and even here in Perpignan, we have been continuing, I am continuing.
There’s not so much else to say.
I love you. Ik hou van je. Je t’aime.
Merci.
Le comédien George Carlin au sujet de la mort (transition)
Mon père aimait beaucoup rire, et George Carlin était un de ses humoristes préférés. Il a quelques bons mots sur la mort, et ce qu’on dit des gens qui viennent de mourir – en Anglais. (l’audio des 3 premières minutes de ce sketch)
Violette, sa belle-soeur
(L’HOMME du NORD)
Il fallait toujours préciser tes origines hollandaises à l’évocation de ta personne où de ton prénom, Klaas.
J’ai 5 ans quand tu débarques à Toulouse pour épouser ma sœur. Tu nous offres à Hélios et moi, entre autre, un livre sur NY. Plus tard, tu m’amènes à Wall Street puis à la City à Londres.
J’ai 10 ans, tu m’offres mon 1er vol Genève-Toulouse. J’ai trouvé génial le voyage en avion. C’est décidé, j’en ferai mon métier.
J’ai 15 ans, en route pour Londres dans ta belle américaine, la cadillac noire, tu photographies toutes les vaches que l’on croise. J’ai appris bien plus tard qu’il n’y a pas 2 vaches identiques.
Fidèle à tes origines, proche de la peinture, tu pratiqueras cet art tout au long de ta vie.
Tu commences l’apprentissage du piano à un âge avancé. Là, encore, tu t’accroches et réussis. La musique toujours t’accompagne : Franck Sinatra, Léonard Cohen, Joan Bez.
Merci Klaas. Au revoir Klaas. Pour ton dernier voyage vers de nouveaux rivages.
Reste en paix.
Totzins. Daar Klaas 💕
Morgan, son fils
J’allais faire un super texte… et puis bon… C’est toujours pareil.
Papa, on en a fait des kilomètres. Tu m’a donné tellement d’amour.
On en a fait des kilomètres, à rire et à pleurer.
On en a fait des kilomètres, jusqu’à il y a encore quelques semaines pour aller contempler une dernière fois la mer.
On en a fait des kilomètres, pour en arriver là où on est maintenant.
Tu as toujours vécu comme ça, comme s’il restait une tonne de kilomètres à parcourir.
Et puis le bout de la route point, sans qu’on le voit venir, comme à l’entrée du désert.
Je ne veux dire qu’une chose tout de suite. Je suis fier d’être ton fils, papa, pour toujours.
Et maintenant que nos routes se séparent, je tiens à nous rappeler une citation que tu aimais beaucoup: “La vie c’est comme une boîte de chocolats, on ne sait jamais sur quoi on va tomber.”
Salut.
Saskia, sa fille (texte de Françoise)
À Klaas, Azu et nos enfants,
C’est encore le temps des pleurs, mais le temps du souvenir arrive et avec lui ses sourires et bonheurs.
Klaas,
Je te savais en fin de vie mais ton décès m’a fortement secouée et profondément attristée.
Plus de 30 ans de compagnonnage de vie ne se résume par quelques souvenirs, mais les évoquer me font sourire pour la première fois depuis deux jours.
Tu es de nouveau la et ton absence que je sais définitive me pèse moins.
Klaas, j’ai aimé passer sur ton fichu caractère et tes rebuffades pour continuer à te parler quand tu ne voulais parler à personne.
J’ai aimé forcer ta porte pour partager tes silence bougons.
Klaas, j’ai aimé passer ta porte quand elle était grande ouverte aux partages.
Nous avons tant « fêté » ensemble !
J’ai aimé partager nos introspections sur la connaissance de nous-même et l’ouverture infini de possibilités dans nos vies.
Et nous en avons créé de nombreuses entre nous !
Klaas j’ai aimé partager ta joie de cuisiner et j’ai tant aimé savourer les petits plats que tu préparais en silence et avec amour pour tous ou spécialement pour moi.
J’ai aimé ta table dans les nombreuses maisons où nous t’avons suivi.
En plus de 30 ans de déménagements respectifs et les éloignements, nos 2 familles sont restées en contact, imbriquées par les liens d’amitiés tissés par chacun de leurs membres.
Vous encouragez à vous installer à Perpignan fut pour moi une grande joie.
J’ai aimé la possibilité de vous voir tous les ans.
Lors de notre dernière rencontre en février nous ne savions encore rien de la maladie qui allait t’emporter. Nous avons parle guérison je t’exhortais à entreprendre des soins pour sortir de cette période post AVC qui avait été pénible pour moi aussi.
Et pour la énième fois tu m’as donné ma recette préférée : les brochettes de poulet à la sauce cacahuètes dont tu m’as si souvent régalé.
J’ai réussi, elles étaient délicieuses !
Je vais continuer à régaler autour de moi en souvenir de toi !
Klass je vais aimé ouvrir régulièrement cette porte du souvenir vers toi.
Merci pour tout cela et plus encore…
Bonne continuation mon ami.
D’affectueuses et tendres pensées pour chacun d’entre vous.
Je serai avec vous lundi du Portugal.
~ Françoise
Björn, son fils (par téléphone et en direct du Sri Lanka, dit en anglais, et traduit en français ici)
Merci Papa,
Tu m’as donné la vie.
Tu as ouvert un monde de possibilités…
Un monde beau, vaste, et sans frontières…
Merci.
Tu as ouvert ce monde pour moi, grâce les voyages à travers le monde, et aux magazines National Geographic et du New Yorker empilés autour de la maison. Rien n’était impossible.
Merci.
Tu m’as emmené dans le Concorde.
Merci.
Tu m’as emmené au Bahamas, on a été plonger avec masque et tuba, et on a mangé le barracuda le plus délicieux, au barbecue avec du citron vert frais… J’en ressens encore le goût.
Merci.
Tu as appris à jouer au piano avec moi pour me motiver.
Merci.
En te regardant papa, j’ai appris à organiser une fête, et à quel point les amis proches sont importants.
J’ai appris à jouer de la musique super fort.
J’ai appris à rire, raconter des histoires, des blagues, et des salades…
J’ai appris comment me tenir à une table de restaurant… Benihana me vient à l’esprit…
Merci.
J’ai appris à ne pas traîner les pieds. Klaas n’aimait pas le son de pieds qui traînent par terre. Il y a eu une réprimande en public dans les rues de Manhattan qui m’a guéri de traîner mes pieds à jamais.
Merci.
Ta générosité n’avait pas de limites, ç’en était excessif, parfois même ridicule… Moi aussi j’ai aussi cette qualité imparfaite…
Merci.
Tu m’as fait découvrir ce qu’il a de plus fin: nourriture, vêtements, voyage en 1ère classe, expédier des voitures américaines ultra larges à Toulouse… Tout cela étant assez vantard, bien sûr, mais bon! Peu importe! C’était les années 70 et 80…
Merci.
Mais plus que tout cela…
Tu m’as appris que les choses les plus importantes ne sont pas des choses…
Tu m’as appris à être un homme… Un grand homme.
Tu m’as appris à être un père… Un père juste.
Tu m’as appris à aimer sans condition…
Pour la personne que je suis aujourd’hui et pour tout
Merci papa…
Les étoiles seront plus heureuses maintenant que tu danses parmi elles.
Elles te remercient.
That’s Life – Frank Sinatra
On a fini la cérémonie en écoutant ce morceau de Frank Sinatra, en déposant des fleurs de toutes les couleurs sur son cercueil, avant qu’il ne soit emmené pour la crémation.
On ira disperser ses cendres en Hollande, à un moment donné en 2021, quand la pandémie de COVID-19 permettra à toute la famille de planifier le voyage et de se réunir pour être ensemble.